4 janvier 2023

Le gamin au vélo (3) – Pas facile de devenir parent

Le gamin à vélo (devenir parent)Du côté du père, ce film pose la question du « devenir parent dans sa tête » comme le dit Sophie Marinopoulos.

Elle ose même le terme de « naissance parentale » pour définir le processus maturatif qui inscrit le futur parent dans une transformation, un changement de statut qui exigera des renoncements.

Alors comment grandit un parent ?

La naissance d’un enfant, nous dit Serge Lebovici, met en jeu la dimension transgénérationnelle.

C’est-à-dire que chaque parent est convoqué par son histoire familiale et cette transmission est parfois inélaborable.

Ainsi dit le proverbe arabe : « Ce que tu as enterré dans ton jardin ressortira dans celui de ton fils. »

Penser son enfant permet de créer un espace imaginaire ou fantasmatique et construit le lien à l’enfant réel.

En réalité, le père de Cyril n’a pas fini de s’occuper de lui-même : il démarre un nouvel emploi, une nouvelle relation amoureuse et est encore dans une grande précarité sociale et économique.

Mais il n’a surtout pas élaboré tout le « remue-ménage » psychique de la paternalité, étant sans doute encore à une place d’enfant et donc pas en mesure d’assumer sa fonction de transmission. C’est la raison pour laquelle il met en oeuvre la coupure de la relation.

Quant à ce vélo, il symbolise l’attachement de Cyril à ce père absent.

Il ne le quitte pas et ira jusqu’à se battre comme un lion pour le récupérer à un jeune voyou qui tente de le lui dérober.

Si au début il fait corps avec ce vélo, le film se termine sur une balade paisible dans la campagne avec Samantha, le signe d’un processus de séparation qui se met en route.

Ce vélo représente tout à tour une filiation brisée, une délinquance potentielle, une adoption possible.

Les frères Dardenne nous entraînent dans l’émotion, loin du mélo et sans complaisance dans cette quête identitaire, dans cette rage de vivre, de savoir.

Cyril nous donne une leçon de courage et de ténacité : le désir de vérité est plus fort que tout, il le propulse au-delà de la douleur existentielle.

C’est un film émouvant, bouleversant, mais les paysages sont lumineux et apportent un message d’espoir : après tout, la famille n’est-elle pas aussi celle que l’on se crée ?

Le Gamin au Velo